Itinérance sur la plage de l’Amélie (Soulac sur Mer, Gironde) avec Frédérique Eynaud, paléoenvironnementaliste
et Sébastien Zaragosi, géologue

Le 10 juin 2017

Itinérance sur les plages de la Négade et de l'Amélie où la dune révèle des paléosols, une paléoforêt, des traces d'occupation humaine vieilles de 6 000 ans et où les blockhaus font une baignade forcée du fait de l’avancée de la mer.

Pour faire comprendre le temps géologique aux étudiants, nous utilisons souvent l’image suivante : « Vous empilez une série de feuilles A4 jusqu’en haut de la Tour Eiffel pour représenter l’histoire de la Terre. La dernière feuille au sommet de la Tour Eiffel, c’est l’histoire de l’humanité. Ce n’est rien, on n’est que peu de chose. »

Ils descendent dans une tranché réalisée à travers la dune.

On va partir d’une époque récente, du sommet de la dune - où se trouve un paléosol médiéval - et descendre au fur et à mesure dans le temps jusqu’à la base du socle dunaire. On marchera tout à l’heure en bord de mer sur des argiles bleues beaucoup plus anciennes, antérieures à la présence humaine sur la zone aquitaine, du moins de l’homme moderne. Néandertal traînait peut-être par ici à l’époque, mais l’homme moderne n’y était pas, c’est sûr et certain. Il y a aussi une nappe phréatique qui s’écoule naturellement au pied de la dune. Ces écoulements arrivent sur le littoral, et comme on est dans des niveaux imperméables car argileux, l’eau s’écoule sur l’argile et fait de magnifiques tableaux où se mélangent des oxydes de fer et des résidus organiques. C’est très joli, ce sont des tableaux naturels.

1 Une géologue attirée par l’archéologie

J’ai une histoire un peu particulière par rapport à cet environnement. Lorsque j’avais 20 ans, j’ai fouillé sur le site archéologique, que nous allons voir là-bas en contrebas, sous la direction de Julia Roussot-Larroque. J’étais étudiante et je ne savais pas trop si je voulais m’orienter vers l’archéologie ou l’océanologie, Cousteau d’un côté et Indiana Jones de l’autre, si l’on prend des personnages fictifs ou réels emblématiques. Lors des fouilles, j’ai beaucoup discuté avec les archéologues qui m’ont dit : « N’en fais pas ton métier, que cela reste une passion ». Je les ai écoutés. J’ai fait un voyage dans le Pacifique où vivait ma sœur et je me suis dit : « Là, c’est bon, c’est l’océan que je veux étudier ». Je me suis orientée vers l’océanologie en me promettant cependant de ne pas lâcher cette passion pour l’archéologie. Les échanges avec Julia Roussot-Larroque ont été permanents et elle aura été un mentor pour moi.

Et puis, il y a une histoire plus intime. Mes grands-parents vivaient au Verdon ; mon grand-père était gardien de phare. Il a passé 25 ans de sa vie à Cordouan. J’ai donc plein d'histoires et de récits locaux en tête. En plus d’être un site scientifiquement extrêmement riche, ce lieu alimente une curiosité « de famille ». Cela croise de plus ma démarche personnelle. Je travaille depuis 20 ans à l’université. Au début de ma carrière, j’ai étudié l’Arctique, les zones australes, l’Afrique, bref, essentiellement des endroits où nous n’avions d’autre choix que de partir loin. En vieillissant, je me rends compte qu’il existe des terrains de recherche très proches qui sont moins coûteux en termes environnementaux. Je n’ai à prendre ni l’avion ni le bateau pour y aller, et c’est tout aussi passionnant.

Cela correspond enfin au fait que ce créneau était, jusqu’à peu, celui de collègues aujourd’hui partis à la retraite. Il y a trois ans, alors que toute activité sur ce site avait cessé depuis presque 15 ans, je me suis dit « on y va, on y retourne ». Je suis en train de quitter progressivement les horizons lointains pour me recentrer vraiment sur l’Aquitaine. En fait, c’est passionnant. J’ai appris en trois ans plus que ce que j’avais pu apprendre en 10 ans de carrière. Cela m’offre une mobilité thématique, et puis le contact interdisciplinaire avec les archéologues est tellement enrichissant.

Je ne suis donc pas archéologue mais je travaille avec des archéologues. Notre projet de recherche, relancé en 2013, est aussi piloté par une collègue archéologue : Florence Verdin, du laboratoire AUSONIUS. On est quasiment toutes les semaines au téléphone pour échanger et mettre nos hypothèses et résultats en commun. Nous essayons de comprendre la structuration du site et eux l’habitat. On s’imprègne donc énormément les uns les autres.

2 La voie allemande

Au-dessus de nos têtes existe encore l’ancienne voie construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Certaines parties ont fini par tomber sur l’estran sous l’effet de l’érosion marine. Les plaques cimentées que vous voyez au sol, sur la plage, c’est ça. On arrive à suivre cette voie - dont on ne voit sur place que des vestiges - qu’en vue aérienne. Elle est par endroits masquée par la dune, mais ici, dans cette tranchée ouverte pour accéder à la plage, elle part à l’eau. C’est une voie en béton qui reliait les blockhaus entre eux, 200 m en arrière du front de dune à l’époque, et vous allez voir que ceux-ci sont maintenant dans l’eau. C’est intéressant car cela permet de suivre l’évolution du trait de côte. Vous pouvez déjà remarquer qu’il y a un changement dans la dune, on quitte un sable blond, le blond classique que l’on a sur les plages dunaires du littoral atlantique, pour arriver dans des formations beaucoup plus dures.

Nous sommes sur un niveau que nous appelons paléosol parce que ce sont des sols anciens qui étaient couverts par une végétation au moment de la période gallo-romaine. Il faut comprendre que plusieurs niveaux de paléosols sont piégés dans la dune. Ces paléosols correspondent d’un point de vue environnemental à des périodes plutôt chaudes et humides dans la région, à la faveur desquelles se développait alors un couvert forestier. Durant les derniers 3 000 ans, il y a en effet des périodes climatiques qu’on peut qualifier d’anomalies chaudes.

La période médiévale est une anomalie connue comme chaude avec une évidence très nette sur toute la zone européenne. De même, la période gallo-romaine, la Roman Warm Period en termes anglais, est assez bien identifiée sur la totalité de la zone européenne de l’Espagne jusqu’à la Norvège. Nous pensons, sans en avoir complètement la preuve - et c’est l’objet de nos recherches - que ce niveau-là de sol qui est devant nous est un de ces niveaux chauds datant de la période romaine. Après, il y a différents paléosols et nous allons les voir beaucoup mieux quand nous serons face au front dunaire. Savez-vous qu’il est difficile de dater précisément un sol ? Il y a des endroits évidents car il y a beaucoup de restes fossiles organiques et c’est la zone que nous avons choisie pour faire nos recherches, car là, on sait qu’on n’a pas trop d’erreurs de mesures et que l’on peut reproduire. Une fois que c’est daté, c’est bon, on est calé ! Mais ailleurs, le contenu en restes organiques est très variable et vous allez voir que ça varie tout le temps sur le chemin que l’on va prendre durant cette matinée.

3 Noviomagus

Ici, il y a quelque chose de très intéressant qui concerne l’habitat. Regardez là déjà, un vestige archéologique : un petit bout d’un tesson de poterie dans la dune. Ça, c’est quelque chose de brûlé. Et ça, c’est de la poterie. Les occupations gallo-romaines font la particularité de ce site. Nous savons qu’il y a une forte densité d’habitats depuis environ 6 000 ans sur ce secteur-là. On cherche « la ville » qui serait à l’origine de cette forte densité d’habitats ayant donné autant de vestiges archéologiques et on n’en a pas la trace. Cette ville est très probablement sous l’eau : c’est un petit mythe de l’Atlantide !

Cela se véhicule ici dans la tradition orale. Les habitants des différents villages disent par exemple qu’à marée basse, lors des très grandes marées, on arrive à voir les remparts de « machin », la ville qu’on ne connaît pas. Mais le problème, quand on regarde la bibliographie, c’est que cette ville est localisée à l’entrée de tous les estuaires : l’estuaire de la Loire, l’estuaire de la Gironde ou encore plus au nord au niveau de la Hollande. Il n’empêche que des cartes la montrent ici, à peu près sur la zone de l’île de Cordouan.

La ville s’appelait Noviomagus. Cela aurait été à l’époque gallo-romaine un centre très stratégique entre Burdigala et Saintes qui était plus au nord. C’était certainement l’avant-port de ces deux grosses villes. Des indices de ses occupations humaines sont présents sur 15 km de côte sous la forme de petits débris avec une énorme densité. Là, regardez, on voit des tessons tous les 30 cm. Ça prouve que c’était très dense en termes de présence humaine.

Mais nous n’avons pas idée de ce qui les attirait ici. On a juste la trace de cette manufacture, de ces industries de poteries, de céramiques gallo-romaines, mais aussi lithiques car il y a pas mal de galets inclus là-dedans qui n’ont rien à voir du point de vue de la sédimentologie si on réfléchit un petit peu au contexte de dépôt de ces formations-là. Ce sont plutôt des dépôts tranquilles, donc si vous trouvez ici de gros galets, c’est qu’ils ont été jetés par des hommes : c’est anthropique, c’est vraiment la trace d’une présence humaine ancienne.

4 Des industries anciennes

Quand c’est rouge comme ce débris, c’est qu'il a brûlé. Souvent les romains utilisaient des résidus de poterie, ce que l’on appelle de la briqueterie, pour enrichir ou stabiliser un sol. Comme la région était assez argileuse, certainement marécageuse, là où se trouve aujourd’hui l’Atlantide, l’Atlantique, lapsus révélateur, ah, j’y crois, j’y crois… Il faut imaginer que ces dépôts se sont faits plutôt dans un contexte de marais abrités comme l’est aujourd’hui la partie estuarienne de la Gironde. Donc, si l’océan atlantique érode maintenant en permanence la côte où nous nous trouvons, il faut au contraire imaginer qu’ici, au moment du dépôt, on était dans des terres protégées au cœur de l’estuaire, au milieu de marécages.

Là, tu trouves un bout de ce qui pouvait être une tasse, une assiette, ou encore une amphore. C’est manufacturé, il y a des petits minéraux qu’on arrive à voir. Je ne suis pas une spécialiste, mais les archéologues qui travaillent avec nous sont capables de vous dire de quelle époque ces débris datent : sur la base de la composition minéralogique, du mode de cuisson et parfois d’artefacts puisque certains sont décorés. Grâce à ces décors, les archéologues arrivent à tracer ce qu’ils appellent des cultures et des industries qui sont reliées à des époques bien particulières.

Toute cette industrie de tessons de céramiques est parfois très vieille et liée aux flux d’influences et de migrations qui sont partis du croissant mésopotamien. Donc ça correspond au moment où l’homme du Néolithique a décidé de se sédentariser, d’arrêter d’être un chasseur-cueilleur qui changeait à toutes les saisons d’habitat. Des philosophies s’opposent chez les archéologues de la protohistoire car ce courant de sédentarisation suit soit une voie Méditerranéenne avec un trajet d’influences depuis la Mésopotamie en passant par les bords de la Méditerranée, c’est-à-dire par le sud, qui aurait influencé ce territoire actuel, soit un courant qui s'appelle danubien qui pour le coup serait passé par la vallée du Danube en s’imprégnant de l’influence d’autres peuples plus nordiques. Les archéologues s’affrontent pour comprendre les phénomènes d’acculturation, de transmission des cultures. Savoir « qui a influencé qui » est hyperimportant pour les protohistoriens.

Il y en a partout dans le sable, tout ce qui ressort orange, rouge… Il y a des pièces beaucoup plus rares. Des pièces de monnaie… Vous avez dû entendre parler du sanglier enseigne qui est un peu particulier car il aurait été découvert lors d’une grande tempête pendant une phase de grande marée.

Sébastien ZaragosiIl y a aussi des éclats de silex. C’est totalement anthropique car ce sont des déchets produits quand a été travaillé le silex.

Frédérique Eynaud Il y en a tellement qu’en termes de densité de population, on peut conclure qu’il y avait beaucoup de monde, bien plus que maintenant. Ici, des bouts de charbons qui témoignent de feux.

Ici l’estran se compose d’argiles sableuses, pour simplifier. Ce n’est pas du tout ce que l’on trouve typiquement sur la zone littorale sableuse aquitaine, car ici se sont fossilisés des sédiments très fins qui témoignent d’apports relativement tranquilles par des vecteurs de type fluvial ou estuarien. Cela a dû se déposer un peu comme dans les marais de Brouage qui se sont comblés parce que les eaux étaient très tranquilles. Cela correspond aussi à des changements dans les niveaux marins. Lors de la dernière période glaciaire, le niveau d’équilibre du fleuve était beaucoup plus bas pour rattraper le niveau marin, qui lui aussi était plus bas.

Le fleuve a beaucoup creusé pour rattraper son niveau d’équilibre, et déposé beaucoup de sables et des gros graviers que l’on va voir un peu plus bas sur la plage. Lors de la remontée du niveau marin, le fleuve a remonté au fur et à mesure avec une tendance à former des méandres. Il a perdu alors sa compétence en transport : il n’a plus transporté du sable et des graviers comme un torrent, mais au contraire, il a transporté des particules très fines qui ont eu tendance à combler ses berges, comme on le voit aujourd’hui dans l’estuaire de la Gironde, avec le dépôt d’une espèce de crème de vase.

5 Les blockhaus sur le rivage

Vous voyez la voie allemande qui est à terre, descendue avec l’érosion. Les blockhaus étaient sur le devant de la dune il y a 70 ans. Pendant un temps, tout le monde pensait que les blockhaus glissaient mais des tests ont été faits pour vérifier leur déplacement et on s’est rendu compte qu’ils descendaient à la verticale. Là, où vous les voyez en mer, ils montrent la ligne du trait de dune de 1945.

Les blockhaus nous permettent de voir la vitesse d’érosion. C’est intéressant pour les chercheurs de quantifier ces vitesses de recul du trait de côte. Nous avons des équipes au laboratoire dont c’est la spécialité et ils ont évalué sur les 5 dernières années un recul qui est de l’ordre de 15 m par an pour le site de la pointe de la Négade. C’est beaucoup, 15 m par an ! Mais la pointe de la Négade est particulière. Je vais vous faire un petit schéma sur le sable ; c’est l’avantage d’un sable humide. On est là en fait, vous avez tout le littoral aquitain qui est quasiment nord sud, on va dire jusqu’à Biarritz, et sur la zone nord Médoc, entre la pointe de la Négade et l’estuaire, que je vais dessiner comme ça, on voit que l’inclinaison de la côte n’a plus rien à voir. En fonction des vents dominants, ce sont des houles qui arrivent principalement du nord-ouest et créent un courant de dérive littorale nord sud sur une majorité du littoral aquitain. Donc, en dessous de la pointe, les courants de baïnes nous entraînent vers le sud. Par contre, au dessus, ils vont vers le nord. Ce qui fait qu’à cet endroit-là, précisément, tout s’en va avec une vitesse d’érosion si importante.

6 Ressource en sable

Sébastien ZaragosiCette dérive littorale entraîne un transfert de sable lent mais effectif, sur des dizaines, voire centaines de kilomètres. Le sable que vous voyez ici franchira un jour les passes du Bassin d’Arcachon avant d’aller jusqu’à Cap Breton. Mais là, ce sont des cycles qui durent à peu près cent ans. Le problème est qu’il n’y a pas de nouveau sable qui arrive. Depuis le dernier maximum glaciaire, la Gironde n’expulse que du matériel fin, des argiles. Le sable est en fait un stock que l’on dit résiduel et qui a en fait 20 000 ans. C’est pour ça que ça mange, ça mange, ça mange et qu’il n’y a plus de capacité à réapprovisionner les plages naturellement par la Gironde.

Il y a du sable dans le domaine sous-marin, de la plage sous-marine, tout un tas de cellules et de circulation du sable entre la plage sous-marine, le plateau continental et la côte. Cela induit un phénomène que tout le monde voit : l’été, le sable est remonté par les houles tranquilles, le profil de plage est alors structuré et bien garni en sable, mais l’hiver, c’est le contraire, les tempêtes hivernales prennent ce sable et le ramènent vers la plage sous-marine et on obtient un profil un peu comme celui d’aujourd’hui. Mais ce profil est en train de se structurer avec des creux et des bosses qui commencent à apparaître. C’est-à-dire que le sable est en train de revenir pour l’été et il repartira pendant l’hiver. On a encore du mal à bien connaître ces transferts entre la plage sous-marine et la côte. La raison en est simple : c’est un environnement extrêmement délicat à étudier car très dynamique.

Frédérique Eynaud Notre société est extrêmement gourmande en sable et en granulats pour notre habitat. Nous consommons en moyenne 30 kg par jour et par habitant de sable et de granulats pour aménager nos territoires. C’est énorme ; c’est la deuxième ressource naturelle la plus consommée après l’eau ! Il faut donc des zones où il est possible d’en extraire : les carrières de pierre solides, ou les gravières que l’on trouve un petit peu partout autour des fleuves. Ici, un permis a été déposé pour pouvoir exploiter du sable en mer, justement ce sable glaciaire âgé de 20 000 ans. On est tellement gourmand en termes de consommation… Alors il est prévu d’extraire le sable de la plage sous-marine. D’un point de vue écologique, cela pose de gros problèmes mais d’un autre côté, cela fait partie des ressources stratégiques. Je ne sais pas où cette demande de permis en est…

Sébastien Zaragosi Le sable d’ici ne les intéresse pas trop car difficilement exploitable. On est donc sauvé.

Frédérique Eynaud Ces sables, stockés sur le plateau, sont redistribués en permanence par les marées et par les courants de houles : ça fait vraiment un voile. Lorsque nous arrivons sur la plage, nous nous disons à chaque fois « Comment sera le matelas de sable cette fois-ci ? ». Parce que le matelas se dépose sur les argiles que l’on veut voir en fait. À chaque fois qu’on arrive, c’est « ouais, chouette, il n’y en a pas là » ou « ah, zut, il est formé ».

7 Le comblement des paléovallées

Ces formations argileuses se retrouvent nulle part ailleurs sur le littoral aquitain. Nous sommes très proches de l’embouchure de l’estuaire et ce n’était pas un unique exutoire pendant les bas niveaux marins mais bien plusieurs exutoires qui faisaient comme une grande patte d’oie avec plusieurs vallées, ce que l’on appelle dans notre jargon des paléovallées, puisqu’elles n’existent plus. Là, ce que l’on a sous nos yeux, c’est le comblement de ces paléovallées. On a ce remplissage qui est relativement récent et l’encaissant de ce remplissage, c’est-à-dire la roche calcaire qui est affleurante, sub-affleurante dans certains secteurs. Je ne sais pas si vous voyez au large, là, on a l’impression d’un sous-marin, posé là où ça déferle au large. Il y a en fait un banc rocheux qui est bien connu des pêcheurs pour y pêcher des araignées de mer et poissons rocheux : dès qu’il y a de la roche, il y a des trous, donc des abris. Ce banc rocheux est à peu près à 5 ou 6 mètres de bathymétrie et cela correspond à une zone haute du calcaire alors que là, nous sommes dans une vallée qui se prolonge jusqu’à la fin de l’anse du Gurp : un creux dans le calcaire en quelque sorte.

On le voit bien en pratiquant la géophysique pour comprendre ce qu’il y a sous nos pieds, que ce soit sur la zone terrestre ou sur la zone marine : on voit alors très bien cette ancienne vallée profonde qui a été comblée par les sédiments. Ici, dans l’anse du Gurp, nous étions certainement à 50 ou 70 mètres de profondeur au creux de la vallée, voire plus. Plus on va vers le large, plus elle est creusée. Il y avait d’autres exutoires de l’estuaire puisque le niveau marin n’a pas arrêté d’osciller durant le Quaternaire entre haut et bas niveau marin avec tout un historique de comblements et creusements. Vous l’aurez compris, le trait de côte a toujours bougé !

On ne peut pas voir directement la vallée profonde sur laquelle nous sommes mais nous avons des outils de géophysique. Les ondes ne se réfléchissent pas de la même manière en fonction de la nature des terrains. Il y a dix jours par exemple, on faisait de la tomographie électrique ici : on mesure la résistivité du sous-sol pour arriver à avoir une vision à peu près correcte de ce qu’il y a en dessous. Pourquoi dis-je à peu près correcte ? Cet environnement-là est délicat à travailler avec un mélange d’eau salée et d’eau douce. Or l’eau douce et l’eau salée n’ont pas les mêmes propriétés électriques et ne renvoient pas du tout le même signal. Comme nous sommes à la limite des deux, parfois on surinterprète les résultats.

Cela fait plus de cent ans que ce secteur est étudié et on n’a toujours pas tout compris ni tout appréhendé !

En venant de l’estuaire, vous quittez les falaises calcaires de l’autre rive de la Gironde pour arriver sur une rive où il n’y a plus de falaises. En fait, le calcaire est sous nos pieds. Il existe une grande faille, appelée la faille de Bordeaux, qui décale les terrains du nord de ceux du sud. Le décalage est d’à peu près 80 m sur cette faille. Elle est encore active mais joue très peu en termes de sismicité et le dernier grand tremblement de terre a eu lieu en 1972. Cela explique pourquoi c’est très différent entre la Charente et la Gironde : ce décalage fait que les paléovallées girondines sont masquées par les sédiments qui se sont déposés avec les hauts niveaux marins alors qu’elles peuvent rester visibles en Charente.

Sébastien ZaragosiOn cherche aussi ces paléovallées au large car on en retrouve des traces bien plus loin. À 100, 150 kilomètres au large, on retrouve des connexions avec les canyons. Ces sédiments se retrouvent même jusqu’à 4 500 m de profondeur et, en ce moment, nous regardons jusqu’où ils vont. On les identifie au large du Portugal. Les sédiments qui partent d’ici finissent quasiment en face de Lisbonne ; nous les pistons. Mais il y a une zone où on perd complètement leurs traces sous-marines : c’est depuis l’estuaire de la Gironde jusqu’au canyon au bord du plateau continental.

8 Hydrocarbures et dessiccation

Frédérique Eynaud Regardez ces irisations sur le sol. Quand je vous disais que c’est très joli. Ce sont des minéraux lourds triés naturellement par la houle qui déferle. Les minéraux lourds, c’est tout ce qui est sombre : des mélanges de Grenat et de Magnétite. À cet endroit, la nappe affleure sur l’argile puisque c’est imperméable dessous, et l’eau douce qui coule se charge d’hydrocarbures avant d’arriver ici, c’est ce qui donne cette couleur irisée. Il n’y a aucune pollution, c’est complètement naturel. En fait, l’eau a drainé tout le bassin-versant avant d’arriver là. Ce sont des hydrocarbures naturels issus de la litière de la forêt qui se désagrège. Ça forme ça en fait. Tout ce qui est rouge est de l’oxyde de fer. Voyez comme c’est orange. Ça fait des choses magnifiques, artistiques. Là c’est une couleur très flashy parce que c’est très concentré en oxydes de fer. C’est beau ! Et avec l’irisation, ça fait vraiment des choses magnifiques.

Regardez maintenant : c’est un tronc d'arbre qui est en place dans le paléosol. Le paléosol est noir parce qu’il y a eu une végétation qui s’est installée pendant un certain temps, et c’est la matière organique qui donne cette couleur noire. Des troncs sont parfois encore en place. On va même en voir là-bas qui sont beaucoup plus spectaculaires. Alors là, il y a aussi quelque chose de très joli. Attention de ne pas glisser sur les argiles comme je viens de le faire. Vous voyez toute cette dessiccation, cela fait des fentes de retrait. Artistiquement, je trouve que ces formes de retrait de l’argile sont très belles.

On va maintenant aller sur notre site de fouille.

9 Des paniers pour la saumure

Nous descendons sur le site pour vous montrer d’autres tessons et des ossements s’ils y sont toujours. Depuis que l’on a repris le travail en 2013, on a eu de la chance que l’hiver 2014 nous ait dénudé le site. Du coup, des fouilles ont été lancées en urgence par la direction des affaires archéologiques sous-marines. 50 kg de tessons ont été trouvés ainsi que trois paniers qui seraient potentiellement la trace d’un travail de la saumure. Ce sont des paniers tressés datant d’environ de 5 000 à 6 000 ans avant l’actuel. C’est le tout début de la sédentarisation humaine, le début de l’histoire du néolithique en fait. C’est exceptionnel car il n’y avait jamais eu d’équivalent trouvé sur tout le littoral atlantique. On a eu vraiment de la chance car ce site était fouillé depuis 50 ans. Mais comme on n’a pas beaucoup de moyens en archéologie, c’est fouillé par à-coups. Pendant deux ans le site va être fouillé pour être abandonné pendant 20 ans. Malheureusement le site part aujourd’hui à l’eau : l’eau le mange complètement. Cela va tout éroder, tout lisser, et bientôt il n’y aura plus rien.

Il y avait une palissade en bois, ici, dans les années quatre-vingt-dix. Elle protégeait le site mais il n’y a plus eu assez de moyens pour l’entretenir. De plus, nous savons que nous luttons contre quelque chose qui gagnera forcément alors, au bout d’un moment, nous arrêtons de lutter. On travaille autant qu’on peut, aussi vite qu’on peut. Sur les trois dernières années, on a réussi à récolter beaucoup de choses mais on sait qu’on va perdre tout ce qui n’a pas été récolté. C’est comme le principe des fouilles d’urgence. Lorsqu’on construit une autoroute, on sait que l’on a une fenêtre de tir pour aller fouiller trois mois et puis après tant pis, ce qui n’a pas été fouillé, ce qui n’a pas été pris, sera perdu et ce n’est pas si grave.

10 Un livre qui s’en va progressivement à l’eau

Regardez, ce bois-là est brûlé. Ces bois ont été datés : ils ont entre 9 000 et 10 000 ans avant l’actuel. Sur cet endroit, vous voyez, il est bien brûlé. L’hypothèse des archéologues serait qu’un grand incendie ait eu lieu à cette époque-là. On ne sait pas quelle en a été la cause, s’il fut anthropique ou naturel, ça peut être la foudre par exemple. La forêt de cette époque a brûlé de manière très nette alors qu’elle contenait une densité d'arbres très importante. Ce n’était pas la dune sèche comme maintenant, mais une grande forêt. Au fur et à mesure de mes visites sur cette formation, je suis de plus en plus convaincue par l’hypothèse d’un alass : le dégagement de méthane qui pourrait générer du feu. Nous débattons entre scientifiques en émettant diverses hypothèses de formation de cette structure qui est complètement circulaire.

Les bois qui cernent le site, regardez, donnent presque l’impression de former une palissade car ils sont tous inclinés, on a l’impression qu'ils s’enfoncent comme une palissade. Cette structure peut être naturellement obtenue comme avec ce qui se passe dans le permafrost sibérien. Sous l’effet du réchauffement global, le permafrost fond et des poches de méthane explosent littéralement pour former des structures géomorphologiques appelées alass. Le terme d’Alaska vient d’ailleurs de là. Cela forme des alass circulaires et avec des arbres qui s’alignent sur le pourtour de ces dépressions. On a l’impression d’une météorite tombée et non d’un volcan parce que cela fait un creux sans cône. Ici, ça pourrait correspondre à ça et comme le méthane s’enflamme au contact de l’oxygène dès qu’il arrive dans l'air, cela expliquerait le fait que les bois soient brûlés. Cette formation circulaire ressemble vraiment à celles qui se forment autour des grands fleuves arctiques dans les zones sibérienne et canadienne.

Mais nous nous battons encore dans nos hypothèses géologiques car du calcaire affleure un peu plus loin, et ce calcaire sous l’effet de la karstification, donc de l’érosion, forme des grottes, des dépressions, des trous, et là nous aurions peut-être une structure que l’on appelle une doline, qui est en fait une grotte effondrée. Or, dans ce genre de structures là, avec la nappe phréatique qui arrive, l’eau remonte naturellement par le biais de ces exécutoires, des « espèces de puits ». Durant toute la période où ce site a été visible, il y avait certainement une résurgence d’eau.

Au centre, ce sont des tranchées, celles des fouilles menées en 2014. Aujourd’hui, on peut monter sur le site car la mer a fait son travail de dégagement. Au départ, on fouillait dans la dune, et petit à petit la mer a dégagé le front avant. Il faut imaginer la dune beaucoup plus loin vers la mer il y a quelques décennies. Lorsque nous avons commencé à fouiller, nous creusions à 2,50 m de profondeur. Comme un mois reste court pour faire des fouilles, des tranchées ont été faites à la pelleteuse pour voir tout ce qu’il y avait en profondeur. Tout cela a été décapé mais il me reste une base iconographique fabuleuse : il y avait par exemple au sommet un arbre entier qui était couché avec sa litière, on a retrouvé les troncs, les racines, et la litière de feuilles complètement préservées car piégées dans l’argile et dans la tourbe. La particularité du site est d’être très riche en matière organique. La couleur noire que vous voyez est liée à cette matière organique car, comme le pétrole apparaît noir, la matière organique est noire lorsqu’elle se préserve.

Là, ces bois sont anthropiques ; ce sont des déchets que les hommes ont laissés, posés ou jetés. Une dendrologue de l’université de Limoges travaille sur cette question. On en a collecté une cinquantaine et ils ont tous une trace de l’utilisation de l’homme : soit coupés, soit écorcés. Là, à cet endroit précis, on a trouvé un premier gros panier qui est maintenant traité pour sa conservation à Grenoble. C’est une structure de 1,50 m de diamètre avec une double paroi de tressage : un objet magnifique. On pense que c’était pour la saumure étant donné la grande quantité d’ossements trouvés aux alentours du panier. Or, ces ossements sont tous travaillés : l’homme a cassé l’os, prit la moelle, raclé l’os. En pure hypothèse, ce secteur-là a pu être un atelier de salage de la viande. Donc ils mettaient la viande dans ces paniers et avec le battement des marées, puisque le site était déjà dans une zone estuarienne, les paniers se remplissaient à marée haute, puis décantaient. Les paniers étaient peut-être isolés de manière à ce que la viande se dessèche, se décante et se sale naturellement. Voilà nos hypothèses de travail !

Toute une équipe travaille à fond là-dessus. Des archéologues, des spécialistes de tout ce qui est traitement, industrie de la viande au néolithique ; des gens qui travaillent sur les tessons. Ce site est d’une grande richesse : c’est un livre quasi complet mais qui s’en va progressivement à l’eau.

11 Galet jetable

L’occupation néolithique du site se situe grosso modo entre 6 000 et 4 000 ans avant l’actuel. Et sur toute la base où nous mettons les pieds, les couleurs un petit peu plus orangées sont des concentrations de soufre. Le soufre est un produit de la transformation naturelle de la matière organique dans un milieu où il n’y a pas d’oxygène. Donc on a ce soufre qui apparaît, qui se cristallise car les eaux du marécage étaient très pauvres en oxygène, et ce qui est curieux, c’est que tous les paniers étaient entreposés au-dessus de ce niveau soufré.

Il y a encore un tesson là, il y en a partout, une densité hallucinante. Tiens encore un bout de bois, mais il ne faut pas trop le toucher. On a trouvé un énorme os la dernière fois lorsque nous sommes venus. Et puis il y a les galets, ces galets ronds de quelques centimètres.

Lorsque l’on a commencé en 2014, je disais « oh là, les galets doivent être gardés, tous les galets ». Car pour moi, il n’était pas naturel dans une sédimentation argileuse avec de la décantation de voir arriver des galets de cette taille. Ils ne sont pas arrivés tout seuls : ce ne sont pas les oiseaux, pas plus qu’une baleine, qui ont lâché ces galets, je caricature bien sûr… C’est forcément humain. Au début, les archéologues n’y croyaient pas trop et maintenant ils se rendent compte que si. En fait, il y a eu toute une industrie du galet, cela a été très bien traité en Hollande, toute une industrie du petit galet comme cela, dont ils se servaient pour retailler des outils, retaper des trucs et qu’ils jetaient après utilisation : une industrie du galet jetable.

12 Chronologie marine

Nous espérons qu’il y ait encore d’autres formations de ce type sous la dune avec tout autant de matériel que ce qu’il y a là. Si vous vous retournez, on voit bien la succession des niveaux dans les paléosols. Ce sont tous les niveaux sombres : il y en a un premier, qui correspond à celui que l’on a vu lorsque nous sommes descendus, un au-dessus encore, celui où il y avait les petits tessons, la datation que nous avons réalisée le positionne autour de 2 000 ans BP - donc vraiment l’an zéro historique dans la Common Era - dans l’histoire commune peut-on dire, il date donc de l’époque gallo-romaine. Au-dessus, on a 1 000 ans de sable entre ces deux niveaux noirs. Puis encore au-dessus, on a la route allemande, encore 1 000 ans d’écart.

Mais en dessous - et cela nous pose beaucoup de questions - nous ne retrouvons pas du tout la même chose dans le front de dune en se positionnant à la même altitude : cette zone argileuse et tourbeuse qui constitue le cœur du site archéologique possède une structure très particulière qui se retrouve ni en face et ni autour. Au pied de la dune, des niveaux sont similaires, mais ce ne sont pas les mêmes types de matériaux, c’est beaucoup plus argileux avec moins de tourbes et il n’y a pas de bois ni de traces d’occupation humaine. Nous essayons de comprendre aujourd’hui la mise en place de cette zone d’habitat, d’occupation ou d’industrie, je ne sais pas comment la qualifier, par rapport à son encaissant, c’est-à-dire à tout ce qui est autour. Jusqu’à présent, les sables gris, qui sont juste antérieurs au premier niveau gallo-romain, ont été interprétés comme des sables déposés pendant la remontée du niveau marin entre 15 000 et 6 000 ans à peu près. Les argiles en dessous, ont été datées comme beaucoup plus anciennes, vieilles d’au moins 40 000 ans. D’un point de vue des horizons temporels cela pose un problème car il n’y a pas de concordance entre horizons topographiques et horizons de temps ; c’est-à-dire que là je suis à 10 000 ans, alors qu’en face et à la même altitude, je serais à 40 voire 50 000 ans.

Nous essayons de comprendre ce qui s’est passé. Voici les idées. C’est soit un effondrement karstique, une doline, soit un alass car la structure est vraiment très particulière et cela s’est mis en place dans des formations continentales lors de la dernière transition glaciaire interglaciaire. Nous savons qu’il y a eu de la glace de mer à certains moments dans le golfe de Gascogne juste attenant, et donc dans le fleuve ou dans l’estuaire, lors de cette transition. Il pouvait y avoir des processus très similaires d’englacement et de désenglacement et donc des explosions du type de ce que l’on voit aujourd’hui dans le permafrost. Le permafrost n’était pas permanent durant toute cette histoire mais il a été là. On le sait en Aquitaine car nous en avons découvert des indices dans les Landes.

Sébastien ZaragosiC’est très délicat, pour nous, que le temps ne soit pas enregistré de manière continue. Ce ne sont que des fenêtres temporelles où les sédiments ont été déposés et se conservent. Or, il existe dedans des surfaces d’érosion, des zones où pendant quelques milliers d’années les sédiments ne se sont pas déposés ou se sont déposés mais ont été érodés. Nous n’avons donc qu’une histoire en pointillé. C’est donc délicat de ne pas avoir de coupe continue, comme une frise temporelle sur laquelle on viendrait cacher tout un tas d’informations. Quand on voit la vitesse des changements en quelques années, il faut remettre cela sur les 10 000 ou 15 000 ans qui nous manquent. Que s’est-il passé pendant cette période-là ? Ça devient très délicat en termes d’interprétation. En mer, nous sommes « tranquilles » car les séquences sédimentaires marines sont généralement continues. Cela se dépose tranquillement, régulièrement, et nous sommes très friands de ces séquences sédimentaires car elles possèdent une chronologie de très bonne qualité et bien meilleure que ce que nous pouvons obtenir ici. C’est à nous de faire une relation entre la très bonne chronologie marine et la chronologie continentale discontinue, et nous essayons de faire des corrélations, des liens entre les deux.

Nous avons accès à un temps bien précis par l’intermédiaire de cette chronologie marine. Or, les micros fossiles enregistrent le climat, des choses très fines comme la température, et Frédérique est capable de reconstituer le nombre de mois de couverts de glace avec ces outils. Ils permettent d’avoir une reconstitution très fine du climat, de l’océanographie, des courants, et notre but est ensuite de faire le lien avec ce que l’on observe ici malgré sa nature discontinue. C’est pour cela qu’il est logique de travailler aussi bien en mer qu’à terre. Une de mes spécialités de recherche est de reconstituer l’histoire des fleuves uniquement par leurs dépôts profonds en mer, y compris pour les fleuves qui n’existent plus aujourd’hui. Pour cela, nous nous mettons à l’embouchure des fleuves en reconnaissant la morphologie sous-marine et la présence de chenaux. Parce qu'il ne faut pas penser que les fleuves s’arrêtent en mer et les sédiments ne s’arrêtent pas à l’embouchure. Ils cheminent jusqu’aux grands fonds et laissent des traces jusqu’à 5 000 m de profondeur. Du coup, nous remontons ces traces pour vérifier que les dépôts sous-marins appartiennent bien au fleuve étudié. Après on peut utiliser la géochimie pour comprendre où les sédiments ont été érodés. Ensuite il suffit de faire une belle chronologie marine et en regardant la quantité et l'origine des sédiments nous pouvons reconstruire toute l’histoire d'un fleuve.

13 « Les petits jardins »

Frédérique Eynaud Toute la bande qui coiffe les sables gris se poursuit puis se perd. Nous la perdrons en faisant 50 m. À sa surface basse sont visibles des traces agraires. L’archéologue qui a le plus travaillé sur ce secteur-là, Julia Roussot-Larroque, avait appellé cela « Les petits jardins ». On voit des carrés de traces agraires où ont été faits des sillons de charrue. Julia Roussot-Larroque - qui à plus de 80 ans continuait ses recherches - a montré dans un article une photo magnifique de ces petits jardins. Aujourd’hui le sable de la dune les masque et vous voyez que c’est complètement recouvert. Mais là où il y a les couloirs de vent, là le vent travaille mieux, on voit apparaître ces structures agraires. Un peu plus loin, des roues de chariot filent droit vers la mer. Imprimées dans l’argile, elles filent droit vers l’océan… Mais le trait de côte n’était pas ici à l’époque et le front dunaire encore moins.

La mer nous ouvre et referme des fenêtres de lecture. Nous savons donc que nous allons tôt ou tard perdre ce site de fouille là. Il y a cinq ans, on ne serait pas monté si facilement sur le sommet du site. Les tourbes étaient recouvertes par la dune blonde avec une jolie végétation herbacée du fait d’une source d’eau, une résurgence liée à cette structure. C’est d’ailleurs certainement pour cela que le site était fréquenté par nos ancêtres… On ne sait pas tout, on essaie de comprendre. Il y a différentes hypothèses énoncées dans les articles publiés par Julia Roussot-Larroque. Elle pensait à des emprises de population avec une forte occupation et une densité en termes d’habitat, puis à des déprises liées à un changement climatique et aux évolutions environnementales qui en découlent. Cela permet de relativiser ! Notre vue fixiste actuelle est purement culturelle : C’est notre éducation catholique, judéo-chrétienne qui a produit cette vue fixiste. C’est entendu sur l’évolution des espèces mais cela a encore du mal à passer sur l’évolution de l’environnement. C’est culturel.

14 Éclairer le futur climatique

Le changement global commence à être tout juste accepté parce que c’est visible, palpable, mais tant que cela ne l’était pas, les gens n’y croyaient pas. Pourtant, ce sont des alertes que nous avons entendues à l’université depuis le début de notre formation, depuis au moins 30 ans… Ce site montre que l'environnement a toujours bougé, tout le temps.

Nous cherchons à détecter les aléas climatiques, comprendre la gamme de variabilité naturelle du climat et ses extrêmes. Si cette gamme de variabilité naturelle a eu lieu à un moment dans le temps, elle aura forcément lieu à un autre moment dans le futur. Nous avons cette vision-là de façon empirique, mais il faut que les modèles s’affinent et pour l’instant personne n’est capable de prédire quelque chose. On sait que le niveau de la mer remonte, que les températures se réchauffent puisque nous avons des observations qui le prouvent mais on ne peut pas prédire comment ce sera dans 50 ans, c’est impossible. En revanche, on sait qu’il y a eu des états naturels complètement différents de l’état actuel et nous cherchons à comprendre ces autres états : quand se sont-ils produits et comment le climat a fonctionné dans des modes différents d’aujourd’hui. En regardant les indices de changements actuels, si on les compare à ces états extrêmes du passé, on peut se dire qu’il va y avoir un autre état extrême dans un délai prévisible.

Sébastien ZaragosiÊtre capable de savoir ce que le climat a fait est déjà énorme. On va prendre pour exemple un événement particulier : H4. Il y a 40 000 ans, nous sommes passés en l’espace d’une génération - 50 ans - de conditions climatiques proches d’aujourd’hui à de la présence de glace de mer au large du Médoc. C’était la période où l’homme moderne commençait à arriver dans le coin. Nos ancêtres ont connu ces événements, ils sont passés en une génération à pouvoir pêcher comme on peut le faire actuellement, à un régime quasiment arctique avec de la glace de mer et des phoques.

Frédérique Eynaud Ce n’est pas un hasard si l’homme s’est sédentarisé il y a 6 000 ans. L’homme moderne est arrivé ici en Aquitaine il y a environ 40 000 ans. Néandertal était présent et l’homme moderne ne l’aurait pas chassé puisque les dernières hypothèses veulent qu’il y ait eu un métissage avec Néandertal. Il est possible que l’homme moderne ait « absorbé » les populations locales endémiques de Néandertal. De 40 000 ans à 7 000 ans, il y a eu une variation continue du trait de côte et du niveau marin. On parle de variations glaciaires et interglaciaires, mais en fait on simplifie ces extrêmes climatiques, car au sein de chaque période glaciaire il y a plein d’événements de bascules du climat et cela zigzague en permanence, chaud, froid, chaud, froid… En passant d’état quasi actuel en termes de climat à des états polaire. Nos ancêtres l’ont connu, mais ils n’étaient pas sédentaires, ils bougeaient en permanence pour s’adapter !

Depuis 7 000 ans, tout s’est stabilisé avec une période exceptionnelle en termes de caractère climatique, si vous comptez les périodes dans le temps sur des centaines de millénaires en arrière, où il y a les mêmes conditions, aussi stables, c’est chouïa, chouïa.

Sébastien ZaragosiSi le climat avait continué à varier comme par le passé, il n’y aurait jamais eu de sédentarisation.

15 Un rapport contrarié au climat

Frédérique Eynaud Et c’étaient des habitats mobiles, avec un habitat d'été et un habitat d’hiver. L’homme bougeait en permanence. Il n’y avait pas de frontières…

Sébastien ZaragosiJe conseille aux étudiants un film hollywoodien qui caricature ce sujet, « Le jour d’après », qui possède un fond scientifique réaliste même si le temps y est très accéléré. À la fin du film, tous les Américains essayent de passer au Mexique, ils doivent repasser au-dessus des barrières qu’ils avaient eux-mêmes érigées pour éviter aux Mexicains de venir. Quelque chose est très fort dans ce film bien que ce soit un blockbuster américain : voir les Américains escalader leurs propres murs, c’était un grillage dans le film, j’ai trouvé ça génial. C’est vrai que nos ancêtres n’ont pas connu ces problèmes pendant ces extrêmes climatiques… La densité de population n’était pas énorme il y a 10 000 ans. Son habitat n’était pas stable étant donné d’énormes aléas climatiques que nous n’avons plus eus durant les derniers 6 000 ans. Et pouf, explosion démographique ! C’est riche de sens. Après il ne faut pas être hyperpessimiste…

Aujourd’hui, on ne perçoit quasiment plus les saisons. L’homme a réussi à se dénaturer et se libérer du forçage climatique. Pour en venir à l’idée de propriété en France, c’est un peu particulier avec tout ce droit autour de la propriété. Vous allez dans d’autres pays où ce sont des concessions et non des propriétés à vie. Même aux États-Unis, où le littoral recule, ils ont été suffisamment intelligents pour prendre un territoire assez large où ils peuvent bouger et ils reculent leur maison sur pilotis. Ce sont des constructions légères. Lorsque nous irons au pied de l’immeuble Le Signal, nous en verrons l’aberration : lors de sa construction, tous les ingénieurs qui s’occupaient de la stabilisation du trait de côte ont dit « mais qu’est-ce que vous faites là, il ne faut surtout pas que ce soit là ». Personne ne les a écoutés. Les municipalités n'étaient pas forcément conscientes.

16 « Reculez votre serviette »

Pourtant la dérive littorale transfère progressivement du sable du nord vers le sud. En sédimentologie, on parle de wagons sédimentaires. Il faut imaginer un train avec des bancs de sable qui se déplacent tout doucement le long du littoral. Et parfois il y a des trous entre les wagons, des endroits où cela érode, puis des endroits où cela engraisse quand le wagon se pose. Mais cela se décale avec le temps et était encore en accrétion à la fin du XXe siècle.

Les travaux de génie civil ont permis de stabiliser un tout petit peu le trait de côte. Mais on ne peut pas endiguer tout le littoral : ce ne serait pas possible sur 200 km de longueur. Et puis vous allez voir ce que l’endiguement provoque car au niveau de l’Amélie, ça bloque devant mais ça ronge autour et la solution est encore pire que de ne rien faire. Je me souviendrai toujours d’une phrase d’un de mes professeurs. C’était dans un congrès en 1993 ou 1994 où les maires des communes littorales, déjà soucieux de ce problème de retrait, avaient invité des universitaires pour les aider. Et Jean-Pierre Tastet avait dit : « quand vous êtes sur la plage et que la mer monte, qu’est-ce que vous faites ? Vous reculez votre serviette ». C’est sûr, ce discours passe très mal auprès des maires de Lacanau ou de Soulac quand on leur dit de reculer l’urbanisation. Mais c’est bien la seule chose à faire. Ils vont mettre encore quelques dizaines d’années avant de le comprendre.

17 Un début de forêt

Frédérique Eynaud Là, regardez le paléosol de l’époque gallo-romaine, je ne sais pas si vous voyez mais il est très épais sur la partie supérieure, il décroche un petit peu, puis il fait une espèce d’escalier. Il y a un tronc face à nous, vous voyez le tronc, qui ressort de la dune, fiché dans ce paléosol-là. Et bien, une forêt s’était développée à cet endroit-là. Après on perd ce sol car il disparaît complètement. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une dépression, une cuvette avec de l’eau. Il faut imaginer des anciens chenaux, des anciens méandres ou des petits lacs. Ce paléosol sur plusieurs niveaux montre que ça a beaucoup bougé. C’était certainement des dépressions, de microvallées, des zones marécageuses avec une forêt. Ce n’était pas du tout le même aspect qu’aujourd’hui.

18 Travailler le temps

C’est l’homme qui a inventé le temps mesurable. Nous ne sommes plus dans des sciences exactes mais dans l’archéologie, l’archéologie des géosciences, et pour tous ceux qui travaillent sur le rameau humain, la découverte d’un moindre fossile peut tout remettre en cause. C’est super. On est tout le temps en train de changer de paradigme.

C’est surtout Julia Roussot-Larroque qui a posé des concepts en termes d’un peuplement à partir du Néolithique et peut-être même avant. Mais la plage s'érode et ne garde rien. Entre une marée et une autre, il n’y a plus de traces. Dans l’Anse du Gurp, un tumulus empierré avait été découvert et signalé par des locaux qui se baladaient sur la plage. Les archéologues sont venus à marée basse pour fouiller en urgence ce tumulus et ont trouvé sept squelettes. C’était une sépulture. Ils ont embarqué les ossements et laissé les pierres sur place. Lorsqu’ils sont revenus à la marée suivante, le tumulus avait été recouvert par le sable. Ils auraient pu creuser, mais à l’époque, c’était dans les années soixante-dix, ils n’ont pas poursuivi.

Des fouilles ont été menées pendant 20 ans par Monsieur Moreau, là, au niveau des blockhaus qui étaient auparavant sur la dune. Il a découvert une multitude de choses et le site a lui aussi disparu. La dune recule au fur et à mesure. Elle est mangée mais cela va peut-être nous faire découvrir d’autres choses. On commence à repérer des trucs intéressants - et ce sont les six prochains mois de nos recherches qui vont nous le dire - avec une connexion entre ici et de l’autre côté de la route. Ça semble être dans les cartes anciennes, celles du début du XIXe siècle où on lit des noms comme Les Terriers qui pourraient parler de grottes mais ça reste à démontrer.

Là, voyez tous les bois dans le paléosol. Eh bien ces bois-là sont vieux de 40 000 ans au moins.

On va avancer vers l’Amélie. On va repartir vers là où on était lorsque nous nous sommes donnés rendez-vous ce matin. Il y a un endroit où il faut s’arrêter absolument avec des niveaux pleins de troncs d’arbres. Ils ont été un peu rongés et les parties qui subsistent encore sont les plus indurées, là où il y a le plus de cellulose. Cela donne des sculptures magnifiques !

Ici, des galets d’argile se forment sous l’effet de la houle qui arrache le substrat. On aime bien montrer cela aux étudiants car sur des formations sableuses, on trouve parfois ce que l’on appelle des galets mous. Les galets d’argile se forment de la même manière, érodés et roulés dans le sédiment.

Maintenant, nous n’avons plus du tout le paléosol que nous avions là-bas. Ce secteur-là est beaucoup plus aride : plus de sable, pas de forêts et moins d’eau. Ces formations peuvent être suivies jusqu’à Hourtin. Il y a donc 25 km de littoral où on peut les voir mais elles n’ont pas le même intérêt. Le site où nous sommes est exceptionnel. Il n’y a aucun équivalent sur le littoral, sauf peut-être au pied de la Dune du Pilat mais il y a moins d’enregistrements. Ici, les argiles sont laminées parce qu’elles forment des feuilles et de fines couches - des lamines en terme géologique - avec plein de petits troncs piégés dedans. Ce sont en fait les racines du paléosol qui est au-dessus.

19 Des horizons temporels mélangés

Deux horizons se confondent. L’horizon d’aujourd’hui avec les troncs emmenés là par les vagues, les coquillages, les algues, et puis l’horizon d’il y a 40 000 ans. On comprend dès lors la difficulté de lire des archives géologiques. Si on se projette dans 40 000 ans, on pourra confondre les deux horizons qui coexistent aujourd’hui parce qu’il y aura eu un brassage. Ce sont des horizons de temps imbriqués comme des poupées russes. On a parfois du mal à « déconvoluer » tout cela.

Il faut imaginer ici un paysage estuarien. Il faut s’imaginer être à l’intérieur des terres et marcher sur quelque chose qui n’était même pas un rivage, juste une zone marécageuse, peut-être une plaine alluviale.

Il n’y avait pas encore de présence humaine - j’entends l’homme moderne - à cette époque-là car l’argile bleue est issue du dernier interglaciaire, donc il y a 120 000 à 130 000 ans. Au-dessus, le niveau de sol a été daté à 40 000 ans, et encore au-dessus, les sables gris datent de 15 000 ans et puis après c’est la période moderne, les derniers 10 000 ans. Les seuls hommes présents il y a 130 000 ans étaient ceux de Néandertal et leur présence n’a pas été démontrée sur ce site. Mais ce n’était pas un peuplement aussi densifié que pour l’homme moderne. Il est donc plus rare de trouver des traces. L’homme moderne occupe le site depuis 40 000 ans mais c’est vraiment depuis 6 000 ans que la sédentarisation s’est faite.

Il y a de l’eau douce en résurgence. Nous avions la même chose sur le site archéologique en haut de dune, du coup tout se développe. Là, c’est joli, dans les lamines d’argile ; c’est super-joli avec les oxydes de fer et le manganèse qui circulent dedans. Pour notre premier projet en 2013-2015 - parce qu’en fait on fonctionne par appels d’offres et donc à-coups financiers - un photographe est venu faire des prises de vues de ce que l’on faisait et il s’était complètement perdu là-dedans. À l’échelle macro, ces grains enrobés de rouille sont très jolis. Là c’est sympa, c’est ce que nous appelons un éventail sédimentaire. La couleur rouge est donnée par les oxydes de fer. Cela ressort sur deux niveaux où il y a des variations de pression, des contacts. Ça précipite dès qu’il y a une variation de pression, en arrivant dans du vide par exemple. Et toute cette rouille, c’est vraiment de l’oxyde de fer : hématite, limonite si l’on veut être précis, et c’est lié à ce qui s’est chargé dans la nappe. Ce qui brille là, qui est luisant, vient des hydrocarbures naturels.

Nous allons bientôt arriver à la forêt qui commence à tomber : un autre paysage. La forêt qui tombe et meurt sur la plage, je trouve cela magnifique car c’est un symbole. Là, on voit bien la forêt en train d’être rongée. Avec les arbres qui tombent petit à petit. Ils meurent car leurs racines sortent du front de dune et sont battues par les hautes mers…

20 « Comme un glaçon qui tombe
dans un verre »

Sébastien Zaragosi Si vous vous mettez exactement ici, nous sommes parfaitement alignés avec la dune, vous voyez de l’autre côté les enrochements qui avancent sur l’océan et vous pouvez retrouver visuellement l’alignement naturel derrière ces enrochements.

Frédérique Eynaud Le trait de côte devrait aller tout droit mais il y a les enrochements, là, les gros « cailloux » qui protègent la zone de l’Amélie, mais ça grignote de part et d’autre. Tout va bien là où il y a la barrière rocheuse, mais de part et d’autre ça ronge encore plus et cela fait des espèces de tombolos à la fin. C’est une lutte qui ne sert pas à grand-chose puisque ça recule inexorablement.

Sébastien ZaragosiIls ont fait des enrochements terribles pour protéger quelques maisons. Vu le contexte d’accélération de remontée du niveau marin - autant je disais que l’on ne peut pas prédire la tendance sur 50 ou 100 ans, autant on voit bien que cela monte - cela ne va pas s’arrêter de monter et c’est vraiment peine perdue que de faire ce type de protection.

Frédérique Eynaud Ces événements rapides, voire abrupts, de changement du niveau marin se sont déjà produits par le passé. Les environnements polaires dont parlait Sébastien tout à l’heure correspondent à des périodes dans le temps que l’on appelle les événements de Heinrich. Heinrich est le scientifique qui les a identifiés et compris pour la première fois. Ce sont des événements où de grands glaciers positionnés sur les pôles s’effondrent dans l’océan à l’époque de la dernière glaciation. C’est comme un glaçon qui tombe dans un verre, et paf, c’est le niveau marin qui monte soudainement de 20 à 30 m et qui va redescendre 1 000 ans après de la même hauteur. Ce sont des évènements extrêmement rapides qui vont se répéter plusieurs fois. Si on regarde les derniers 60 000 ans, ça s’est produit une fois tous les 10 000 ans grosso modo. En revanche, ce n’était pas le même contexte climatique qu’actuellement puisque nous sommes en période interglaciaire, avec moins de glaciers même s’il en reste sur les pôles.

Au début du film dont parlait Sébastien, on voit des scientifiques faire un forage sur la péninsule antarctique qui est la zone qui s’est le plus réchauffée de toute la zone australe sur les derniers 50 ans : 5 °C de plus en moyenne. Ça ne paraît pas beaucoup mais c’est énorme en moyenne annuelle. Cette zone est très surveillée car on sait que les flux sous-glaciaires s’y accélèrent. Ce sont très simplement toutes les rivières de glace qui accélèrent avec la calotte qui fond et cette péninsule antarctique équivaut à 2 ou 3 m de niveau marin. Si jamais elle se cassait la figure, d’un coup d’un seul, c’est 2 ou 3 m au niveau global en plus et là, ce serait catastrophique.

Sébastien ZaragosiOn pourrait s’adapter très rapidement, ici, on abandonnera quelques maisons, ça ne va pas coûter grand-chose, mais en revanche, la centrale nucléaire du Blayais, sachant qu’il faut peut-être 50 ans pour la démanteler, le jour où elle sera sous l’eau, on sera vraiment mal. Il n’y a pas que celle-ci, il y a aussi La Hague. Elles sont toutes à ras de l’eau. On en parle depuis des années. Avec ce qui s’est passé au Japon, cela nous montre que c’est un problème réel. Lorsque la tempête de 1999 est passée, c’était marée basse et la centrale avait été en partie inondée. Si nous avions été sur des forts coefficients et à marée haute, avec 4 m d'eau en plus, c’est clair que l’accident aurait été là !

21 L’eau remonte

Frédérique Eynaud Revenons à cette histoire de wagons sédimentaires. Si l’on regarde le littoral, je vous fais un schéma, ça fait un trait vertical nord sud. Il y a ces wagons qui avancent comme par bonds avec des zones creuses comme ici et des zones à banc. Il y a toujours un creux, un banc, un creux, un banc. On peut faire ça à n’importe quelle échelle. De l’échelle métrique à l’échelle décamétrique, peut-être kilométrique en considérant les bancs les plus larges.

On va se mouiller les pieds, ce n’est pas grave. L’alios que vous voyez là est lié au battement de la nappe phréatique. Bon, il va falloir ne pas trop traîner, l’eau commence à remonter. C’est toujours des oxydes de fer mélangés à du sable de type alios. Je regarde dessous, il y a du calcaire et de l’argile, c’est de l’argile. Je prends en photo car nous n’avions jamais vu cela or nous cherchons toujours notre substratum, la base de la base.

Le profil de plage est très plat devant les dunes abruptes. Du coup, la mer remonte vite. Déjà là, les blockhaus n’étaient pas sous l'eau lorsqu'on est parti du bord de plage.

Donc, les blockhaus étaient en haut de dune. Puisque nous y sommes, regardez, nous sommes pile alignés à la zone de l’Amélie qui est protégée depuis 50 ans. Quand je dis 50 ans, c’est 70 ans. Ça monte, la mer monte. Pour reprendre le nom de votre projet, « En attendant la mer », on y est.

22 Projets pharaoniques pour contrer
le changement climatique

Cela fait 30 ans que cette évolution-là est enseignée et que des générations d’étudiants ont entendu que le climat se réchauffe. Ce n’est donc pas nouveau ! Claude Allègre en était un détracteur pour des raisons « politico-scientifiques » mais il y a encore des gens, et c’était son principal argument, pour croire dans le génie humain afin de contrecarrer les phénomènes naturels. Ces personnes pensent qu’il y aura toujours des moyens pour financer des projets pharaoniques. Alors, tant qu’il n’y aura pas eu un truc abrupt, terrifiant, il n’y aura pas de réaction dans l’autre sens.

Sébastien ZaragosiIl y a eu des projets où ils voulaient ensemencer l’océan pour remonter la pompe océanique et résorber le CO2 : faire de l’océan une véritable culture pour absorber les gaz à effet de serre. Des projets absolument abracadabrants. Un autre projet consistait à mettre un miroir entre le soleil et la terre pour réfracter le rayonnement lumineux. En plus, c’est jouer avec le feu, des trucs de fous. Il y avait aussi un projet d’ingénierie de stockage du carbone dans les fonds océaniques les plus profonds de la Fosse des Mariannes vers 10 000 m de fond. Le problème c’est que l’océan bouge et qu’il y a des courants même à 10 000 m de fond, de la circulation et de la diffusion entre les couches. Stocker du CO2 dans les fonds océaniques, c’est bon un moment, mais cela va finir par être relargué : ce sont donc des bombes à retardement.

23 Marée basse

Frédérique Eynaud Regardez, une coquille d’oursin, celui-là est intact. C’est hyperfragile pour la chercheuse de cailloux que je suis. C’est une coquille d’oursin de sable, c’est très joli, ce sont des plaques calcaires collées les unes aux autres, extrêmement fragiles. Ils ont normalement des soies, des espèces de petites aiguilles qui les protègent. Celui-là ne les a plus, en revanche il est rare d’en trouver un entier, d’habitude ils sont cassés.

Tiens, on retrouve un niveau argileux très joli car des organismes foreurs s’y sont installés. Ils percent l’argile car elle est toujours dans l’eau, sauf pendant la marée basse. Cela fait des petits terriers et c’est super-joli.

Notre laboratoire est distant de 100 km, nous pouvons donc faire l’aller-retour dans la journée. Notre problème est que notre temps de travail est le temps d’une marée, soit six heures. Ou alors il faudrait vraiment que la marée basse tombe bien dans la journée. Arriver à caler des équipes de travail, - on est souvent très nombreux - la dernière fois on était 12 et tout le monde doit être là le bon jour - c’est quasiment infaisable. Le matériel aussi pose problème car nous sommes plusieurs équipes à travailler. C’est bien lorsque nous avons le 4x4 de notre laboratoire pour transporter le matériel mais parfois il n’est pas disponible. La dernière fois que l’on est venu, le GPS différentiel, qui nous permet bien de positionner l’altitude, était pris par une autre équipe de recherches. J’ai dû demander au laboratoire de l’université de Bordeaux Montaigne de me prêter le leur. C’est difficile d’avoir un créneau où toutes les conditions de temps sont bonnes. Pour la tomographie électrique par exemple, s’il pleut, les électrodes ne peuvent pas être sorties. Du coup c’est vraiment aléatoire.

24 Sur la plage, dans la forêt

Là, les troncs sont vraiment magnifiques. On va remonter, d’ailleurs entre la semaine dernière et cette semaine, ça s’est énormément ensablé, c’est incroyable. C’est normal car les coefficients de marée étaient forts. Je ne sais pas si nous arriverons à voir celui qu’avait découvert l’érosion et qui était complètement grillagé : il était superbe. Là, attention à ne pas glisser sur l’argile. Regardez, ici, on a un tronc et ses racines qui ont poussé sur ce sol-là il y a à peu près 40 000 ans. Il y en a quatre, ils sont magnifiques. Celui-là, si on veut faire une analogie, on peut se dire qu’il était vivant au moment où l’homme moderne a envahi le territoire métropolitain si on en croit les dernières datations qui ont été faites sur ce site.

Ce tronc-là est magnifique, il est vraiment superbe. Je n’ai pas amené le matériel pour prélever, mais je reviendrai et referai d’autres datations. Il est beau, n’est-ce pas ?

25 Cyclicité climatique

En parlant d’horizons temporels qui se mélangent, ce tronc a 40 000 ans, et celui-ci a été amené par la dernière marée et pourrait être enseveli par le sable et les deux pourraient se confondre : d’où les erreurs chronologiques. Celui-là est actuel et celui-là a 40 000 ans et pourtant ils se ressemblent. Dans le projet, des chercheurs de l’INRA travaillant en paléogénétique essaient de tracer les lignées endémiques des arbres. Ils ont fait des prélèvements de bois pour avoir l’idée de la génétique et de la lignée des espèces actuelles par rapport à ces espèces anciennes.

La forêt a beaucoup bougé. L’Europe se couvre de forêts à feuilles caduques en périodes chaudes comme aujourd’hui et se couvre de taïga ou de toundra en périodes froides. Cela change du tout au tout. Il faut imaginer ici quasiment un désert polaire comme la Mongolie durant la dernière glaciation. Et au contraire des phases chaudes où ont poussé les arbres qui sont là. Je simplifie à l’extrême car, comme déjà dit, pendant ces glaciaires, on a des oscillations chaudes comme aujourd’hui et des oscillations froides extrêmes qui se développent. Ces arbres sont peut-être issus d’une oscillation chaude. Nous avons parlé des événements de Heinrich, mais en fait c’est un cycle qui est compris dans d’autres événements, que l’on appelle les événements de Dansgaard-Oeschgerr, très bien enregistrés dans les glaces du Groenland et qui nous ont permis de bien caler temporellement toute cette cyclicité climatique très courte, très rapide, généralement de moins de 1 000 ans. À chaque fois : chaud, froid, chaud, froid. À chaque fois ça bascule, et en une génération, des changements drastiques. Des choses énormes. Si ça se trouve, je dis 40 000 ans mais c’est peut-être 35 000 ans, ou juste avant l’événement d'Heinrich H4 dont parlait Sébastien, dans un événement que l’on sait aussi chaud que l’actuel où pendant 500 ou 600 ans la forêt a pu se développer.

On le sait par les analyses faites en paléobotanique : il faut à peu près 100 ans à une forêt pour se développer et cela va bien plus vite pour mourir. Mais pour se développer, c’est à peu près 100 ans en termes de colonisation du milieu. Il serait très intéressant de faire ici une stratigraphie détaillée. Nous n’avons pas obtenu ce financement cette année mais nous allons le redemander l’année prochaine pour faire un travail important de datation de ces bois et arriver à combiner une échelle qui serait à la fois dendrochronologique et climatique, qui traduirait l’évolution précise des environnements aquitains, car cela n’existe pas encore !

Il y a des zones refuges où la végétation pousse alors que cela ne pousse pas autour. Dans cette dynamique, nous savons que c’est à partir de ces endroits refuges qu’il y a une expansion de la végétation par la suite. Ces arbres étaient finalement dans un microclimat qui leur convenait bien. Regardez, il y en a partout, des racines partout. Cet endroit-là est hyperintéressant, regardez, un tronc vertical et bien en place. Nous avons cheminé au bord de la dune mais à l’époque nous étions dans une forêt, aujourd’hui une paléoforêt.

Les troncs que j’avais repérés n’y sont plus, il y avait des troncs grillagées par l’érosion, et le sable a dû les détruire, les milieux siliceux sont acides, ça a dû percoler et manger les bois. En fait, chaque petit tumulus là sur le sable, chaque petite colline, cache certainement le reste d’un tronc de la forêt préhistorique. On les voit là, il y en a partout. Il faudra qu’on revienne échantillonner, c’est important. Vous avez vu la densité, il faudrait tous les lever en topographie, pour cartographier cette forêt vieille de 40 000 ans.

Et revoilà la chaussée allemande. Une sorte de paysage de fin du monde. Au dessus, les racines des arbres actuels n’ont plus rien pour subsister du fait de l’érosion, ils meurent petit à petit et les troncs tombent. On a l’impression que les arbres d’aujourd’hui veulent rejoindre leurs ancêtres avec leurs racines dénudées.

26 Soudain, des galets de torrents

Là, il y a plein de galets. Là, une agate, c’est parfait. Tout ce littoral est connu justement pour ses agates. On retrouve des galets qui correspondent à des formations encore plus vieilles du dernier maximum glaciaire. Cette argile-là, je suis incapable de la dater. Elle appartient à celles qui sont en dessous des bleues, peut-être pas complètement en dessous mais déposées contre. Il y a des niveaux géologiques avec des racines de plantes. Mais comme ces niveaux sont remaniés par l’eau, nous sommes incapables de dire s’ils sont dessus ou dessous. On ne les a pas datés mais je pense que cela vaudrait la peine. Regardez ces galets. Plus aucun fleuve n’est capable de les transporter : il s’agit de galets de torrent. Ils viennent de l’estuaire, sont résiduels et je ne saurais pas les dater. On parle de galets polygéniques car ils sont très diversifiés et viennent des différents endroits du bassin-versant.

Sébastien ZaragosiSauf qu’actuellement, la Dordogne ou la Garonne ne sont plus capables de transporter des galets de cette taille. Ils sont donc les témoins d’anciens cours d’eau avec un dynamisme beaucoup plus fort.

Frédérique Eynaud Il faut que vous en rameniez un : c’est du silex, de la matière première pour faire des outils. Et celui-ci est une agate. C’est très remanié par les vagues qui arrivent à les transporter sur quelques dizaines de mètres, mais on sait qu’ils se sont déposés pendant des bas niveaux marins, quand le fleuve avait une activité torrentielle, qu’il pouvait transporter de grosses masses comme cela. Cela date du dernier maximum glaciaire ou de celui qui était encore avant. La variété des galets et les nombreuses sources différentes sont particulièrement intéressants. Là, c’est un quartzite, un galet de torrent roulé par le transport et érodé. Il est joli car on dirait un petit œuf. Moi, je suis une chercheuse de cailloux depuis toute petite.

Sébastien ZaragosiOn voit bien que les argiles ont bougé, qu’elles ont flué car elles sont très tortueuses. Cette argile bleue déposée à plat s’est déformée sous le poids des formations qui se sont mises par-dessus et qui ont pu les modifier, ou cela peut être dû à d’autres processus glaciaires.

Frédérique Eynaud Quand on les date, on s’aperçoit que ce sont des poupées russes imbriquées les unes dans les autres. Parfois, nous sommes cohérents en termes de chronologie et d’autres fois nous sommes complètement paumés. De nombreux géologues se sont cassés les dents dessus. Et nous, nous nous casserons aussi les dents dessus. On se dit toujours que l’on va faire mieux que les autres, mais non, pas forcément.

27 La vague qui repart

Là, les pins sont tombés. Je suis venue deux fois en 15 jours et il n’y avait pas ces troncs. La forêt se casse vraiment la figure. Je ne sais pas si vous voyez la différence par rapport à ce que nous venons de traverser. La forêt se développe dans le milieu argilo-sableux parce qu’elle a plus d’eau que dans les sables dunaires.

Sébastien ZaragosiVous remarquerez qu’ici la dune n’est pas en forme. Normalement, elle devrait avoir un banc, un bourrelet qui la protège, et il lui manque beaucoup de sable pour avoir un profil d’équilibre. La façade qui est là est résistante aux vagues, or une vague qui arrive sur quelque chose de résistant se réfléchit avec la même énergie que celle qu’elle avait à l’arrivée. En revanche, le sable absorbe la houle et le déferlement avec une pente douce : ça part avec moins de choses. C’est vraiment lié au contexte. Et cela fait la même chose au pied des enrochements. Ce qui érode, ce n’est pas la vague qui arrive mais la vague qui repart avec le sable.

Frédérique Eynaud L’enrochement de l’Amélie a été réalisé après la Seconde Guerre mondiale pour protéger l’église. Les habitants du coin disent qu’il y a tout un lotissement dans l’eau avant la zone de protection. À certains endroits, auraient été vues des traces de maisons dans l’eau. C’était à Soulac, juste avant le Signal. On voit des morceaux, comme une cheminée. Mais c’est peut-être une cheminée qui est tombée ou qui a été jetée.

28 Bleu Haribo

Là, une méduse échouée. Qu’est-ce qu’elle est bleue ! Elle est superbe, bleu turquoise et elle est énorme. Qu’est-ce que c’est beau, on le voit sur le côté. On a presque l’impression d’une fleur à l’intérieur.

Sébastien ZaragosiÇa illustre bien « En attendant la mer », car elle attend vraiment la mer pour pouvoir repartir. On dirait un bonbon Haribo. Si elle avait été vivante…

Frédérique Eynaud C’est sa couleur qui est impressionnante, elle est irisée. Ce bleu me sidère. Bon, il va falloir y aller, sinon nous ne pourrons pas franchir le petit chenal. On quitte la paléovallée du Gurp et c’est latéralement de plus en plus fin. Il faut que l’on passe l’enrochement, on a juste le temps, après il y en a encore un autre, puis il y a l’Amélie.

29 Des enrochements
pour protéger les villas

Les enrochements que vous voyez proviennent de Dordogne. Pour les zones d’enrochements, les sources principales en Aquitaine sont les Pyrénées et le Massif central. Mais ces pierres-là viennent des premiers contreforts du bassin aquitain, des premiers reliefs, côté Dordogne. Elles datent du Crétacé et sont très « compétentes » et donc utilisées pour faire les défenses à la mer sur tout le littoral Aquitain. Parfois, ailleurs ce sont des ophites qui sont utilisées. Ici, il s’agit de roches sédimentaires, l’équivalent vieux de 150/160 millions d’années de ce que nous avons là sous nos pieds. L’ophite verte est aussi caractéristique des défenses et digues du littoral : dure comme du béton, cette roche ne s’érode pas. Donc, d’un côté, cela vient du minéral, plutonique, et de l’autre du biogène.

Ces enrochements ont été réalisés pour protéger le camping juste au-dessus. Sauf que tout le camping est condamné à terme et les propriétaires qui essayent de réparer la dune se lancent dans une lutte sans fin et stupide en fait. Le recul du trait de côte est inévitable, vraiment inévitable. On se dit que l’on ne peut pas lutter comme ça sur 100 km. Depuis 15 000 ans, depuis que les glaciers ont fondu, la mer ne fait que ça, monter. Il y a eu des phases très rapides et des phases plus lentes. Maintenant, ça s’accélère doucement sous l’effet du réchauffement global parce que les glaciers fondent à nouveau - le Groenland fond, l’Antarctique fond - et c’est « juste » de l’eau douce qui s’écoule. Nous sommes loin d’un événement catastrophique comme ceux d’Heinrich avec les glaciers qui s’écroulent et le glaçon que l’on balance dans le verre d’un coup, d’un seul. Mais le niveau de la mer monte fermement.

Il y a 15 000 ans, avant qu’il n’y ait la transition entre le glaciaire et l’interglaciaire, avant que les glaciers ne fondent, le trait de côte était à 100 ou 150 km d’ici. On ne peut pas imaginer reculer autant. Pensez que la différence du niveau marin entre le dernier maximum glaciaire et aujourd’hui est de 120 m en vertical et cela fait plusieurs centaines de kilomètres en horizontal. Aujourd’hui, tout le stock des glaces continentales disponible sur terre équivaut à une hauteur d’eau de 80 m, c’est quasiment la même chose. Franchement, nous serions très mal si l’Antarctique fondait. Mais l’Antarctique pourrait aussi avoir les mêmes coups d’effondrement que les glaciers boréaux de l’hémisphère nord. Il pourrait y avoir les mêmes accidents d’effondrement que lors des évènements de Heinrich et c’est ce qui est particulièrement surveillé dans la péninsule antarctique.

Nous passons devant les belles villas du siècle dernier qui tombent à l’eau. Il n’y a rien à faire pour elles malgré les défenses toutes proches. Les habitants du Signal n’ont pas admis que ces villas soient protégées par des enrochements et pas leur immeuble. Il y aurait, soi-disant la maison du maire par ici. Les gens du Signal auraient aimé que soit faite la même protection devant chez eux pour qu’ils puissent finalement continuer d’y habiter… Il existe d’ailleurs des initiatives pour se défendre par soi-même contre la mer et en Gironde. Il y en a une qui fait souvent là une des tabloïdes : un architecte bordelais très connu possède une propriété dans la zone la plus en érosion du bassin d’Arcachon. Il a mis en place des enrochements sur ses fonds propres et dit qu’il donnait accès à tous les maçons d’Aquitaine pour y déposer leurs déchets de démolition… devant la dune, sur le fond marin, à l’entrée du bassin : bref, pour essayer de se protéger.

Sébastien ZaragosiSi l’on résume, qu’avaient nos ancêtres ici ? De l’eau douce, du bois, de l’argile et du silex. Même s’il n’y avait pas de poterie il y a 40 000 ans, en tout cas les objets lithiques étaient là. Ils avaient tout ce qu’il leur fallait pour vivre correctement. La mer pas très loin. Ils savaient vivre avec elle et reculer lorsque c’était nécessaire.

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