La contribution astronomique aux variations du niveau de la mer est bien connue sur des cycles de temps très long. Les cycles de Milankovitch ont été popularisés dans les années soixante-dix. Ils sont liés au fait que l’excentricité de la rotation de la planète Terre autour du soleil change, que son inclinaison change également et que l’interaction de ces deux paramètres produit un troisième cycle.
Ce sont des cycles à 20 000, 40 000, 100 000 ans, très connus. Nous sommes actuellement dans une période interglaciaire dans un cycle alternant les périodes glaciaires et interglaciaires. Puisque nous sortons d’une période interglaciaire, nous devrions naturellement aller vers une période glaciaire, donc vers un refroidissement du climat et vers une baisse du niveau de la mer, mais sur une échelle de temps de plusieurs millénaires. Ce n’est pas du tout la même gamme de temps.
Lorsque ces cycles ont été popularisés par Milancowitch, le Times a illustré sa couverture avec New York sous la neige comme c’était le cas il y a 20 000 ans. J’ai retrouvé le magazine et c’est vrai qu’un jour New York sera sous les neiges comme il y a 20 000 ans. On ne voit pas trop comment l’homme pourrait le contrecarrer, mais on ne sait jamais avec des phénomènes naturels aussi amples. J’ai même des collègues qui pensent qu’avec la variation de CO2 qu’on est en train d’imposer, on pourrait retrouver des taux de CO2 d’il y a 30 ou 40 millions d’années. Ce qu’on impose à la planète en termes d’émission de CO2, c’est beaucoup, beaucoup plus important que les variations en CO2 du Quaternaire, donc depuis deux millions d’années.
La gamme de variation entre 100 et 300 ppm ou 150 à 300 ppm était déjà importante, et là nous avons dépassé les 400. Viennent ensuite les autres perturbateurs climatiques et en particulier les volcans : les très grosses éruptions peuvent entraîner des crises climatiques, mais c’est assez ponctuel. Après, une variation climatique est imposée par la circulation océanique, où les masses d’eau se déplacent sur des cycles longs, de plusieurs siècles à des millénaires, et la répartition des eaux chaudes et des eaux froides fait que localement le climat peut être perturbé. L’incidence de ces deux phénomènes sur la variation globale du niveau des mers n’est pas prouvée ou est peu importante.
La grande circulation de l’océan, appelée circulation thermohaline, est le produit des variations de densités et de températures. Elle plonge aux endroits très denses, froids et salés. Au contraire, les zones moins salées la font remonter. Un peu comme la circulation atmosphérique : tout cela se met en branle et fait de grandes cellules de convection. Combiné à l’effet de Coriolis, cela provoque une déviation de ces grandes cellules à l’image de la circulation atmosphérique avec ses alizés dans les hémisphères nord et sud. Les océans sont soumis cet effet de Coriolis en plus du moteur initial qui est le moteur thermohalin.
Mais les variations du niveau des mers récentes… Qu’est-ce qu’on appelle récentes ? La variation du niveau des mers à l’échelle de 100 000 ans est liée aux cycles astronomiques, d’accord. De -130 m il y a 20 000 ans à -6 m il y a 6 500 ans, c’est encore lié aux cycles astronomiques. Les variations sur des temps plus courts, c’est-à-dire sur l’histoire – petit âge de glace, période de l’optimum climatique médiéval, Dark-Age, ça, c’est le début du Moyen-âge très froid, optimum climatique romain – appartiennent à une cyclicité qui n’a pas la même origine. Il y a eu une contribution océanique et l’autre forte contribution fut les taches solaires ! L’activité solaire fait qu’il y a eu une insolation variable et depuis 1850, l’impact humain s’associe à tous ces phénomènes que j’ai déjà expliqués, très grandes longueurs d’onde, plus courtes, et cætera.
Les climatosceptiques vont dire « il y eut les variations glaciaires, interglaciaires, alors qu’est-ce que l’homme là-dedans ? En plus, la variabilité climatique historique est due à des taches solaires et à la circulation océanique, ce n’est pas l’homme… ». Certains climatosceptiques disent que des grandes extinctions ont eu lieu à la fin du Crétacé et du Permien, une nouvelle extinction n’est donc pas grave et l’homme s’en sortira. Voilà, on entend ces arguments géologiques que je connais très bien. Mais on sait bien que dans les sociétés humaines, il suffit que le président des USA dise quelque chose pour que les cours de je ne sais pas quoi s’effondrent. Vous imaginez donc que ça va être énorme s’il y a un changement climatique.
Tout dépend du monde que l’on souhaite. La nature s’en sortira sans nous. De toute manière la durée de vie d’une espèce sur la planète Terre – l’absurdité de manipuler ces échelles de temps – est un million d’années. Au bout d’un million d’années, on change d’espèce. Hop, reset ! Alors évidemment, on pourra parler des fossiles vivants, le cœlacanthe, et cætera, mais en moyenne c’est ça. À moins que l’homme soit une espèce tellement particulière qu’elle dure des dizaines de millions d’années…